C'EST L'EPOQUE DES CONCOMBRES
Je l'ai toujours dit :
"Une porte que quatre personnes n'ont pu ouvrir…
Un chien l'ouvre
Avec le bout de son nez
Et s'en va…"
Personne
Ne s'en étonne…
C'est l'époque des concombres…
La machine
Lave le linge,
L'homme ne trouve pas le temps
De se laver…
Dans certaines têtes chauves
Se trouve tout
Hormis les poils
Mais
Il n'y a pas d'humanité…
Dans les châteaux
Les vers à bois,
Et non les sultans,
Vivent comme des rois
Personne
Ne s'en étone…
C'est l'époque des concombres…
A MINUIT
Toutes les couleurs paraissent noir
Dans l'obscurité…
On dirait qu'elles se cachent
Les fleurs,
Les verdures.
Les mots, les phrases
Gardent le silence.
Nous ne pouvons pas tenir les mains
Des enfants abandonnés…
Les murs, les portes
Restent insensés.
Les sentiments
Sont cadnassés aux désespoirs.
On ne parle pas du nom
Des oiseaux…
Les rues, les villes
Deviennent désertes.
On n'entend que la voix
De la pluie…
On n'a peur du ruissellement
Des eaux…
Nos souvenirs sont emportés
Par les vents
Loin de nous…
Les toitures
Restent sans tuiles.
DEMAIN LA VIE CONTINUERA ENCORE…
Pour le consommateur
A la télévision
Des publicités pour
Machine à laver,
Shampoing pour chiens,
Téléphones
Et automobiles…
Ensuite,
Des nouvelles du Kosovo :
Un enfant au visage tout ensanglanté…
Une femme victime de viol
Dans les rues
Des cadavres en morceaux…
Les marchés mondiaux
Créés sur les champs de bataille
Mais personne ne rougit.
Demain, on parlera
Des tremblements de terre,
Des inondations,
Des maisons détruites
Et des voitures emportées…
On ne dira pas un mot
De l'équilibre mondial déréglé
Des essais nucléaires…
Les journaux
Annonceront
En petites manchettes
Les crimes
Et les délits commis par les enfants…
Les travailleurs,
Les médecins,
Les enseignants
Manifesteront
Pour revendiquer des droits…
Les hôpitaux
Seront pleins de patients
A craquer…
Et il fera encore un temps couvert
A Paris…
LA-BAS
Emmène-moi là-bas
Dès que la flamme en moi sera éteinte
Là-bas est un au-delà inhabité
Infiniment aveugle…
Là-bas l'absence de la mer est ombrée
Et on n'en voit pas la clarté…
Je n'attends pas la levée du soleil
J'ouvre la fenêtre
Et je crie et je dis :
"Celui que vous cherchez n'est pas ici,
Il a attendu, attendu et il est parti".
Emmène-moi là-bas
Dès que la flamme en moi sera éteinte.
N’OUBLIE PAS
Même si je t’ai perdue
De ces miroirs-là
C’est encore toi qui seras
Devant mes yeux…
Je ne pourrai peut-être pas
Tenir tes mains
Je ne pourrai peut-être pas
Couvrir ta nudité
Avec des tulles blancs…
Tu seras dénoncée par ces soirs-là
N’oublie pas…
Là où tu verras
Un arrêt semblable à celui-là
S’en va du devant des vitrines
Lis mon nom dans les reflets de lumière
N’oublie pas…
Tu seras dénoncée par ces soirs-là
N’oublie pas…
Üzeyir Lokman ÇAYCI
Traduit par : Yakup YURT
Vous vivez dans la ville en vous que vous avez achetée par un
marchandage silencieux.Vous
n’avez pas encore pu apurer vos dettes.Sous vos paupières noircissant
vous essayez de ressentir certaines choses.Sans
vous rendre compte de votre éloignement de vous-même, vous partez loin
en utilisant vos cordes de pensée tel un télésiège.Vos
avez le frisson au fur et à mesure que vous touchez d’innombrables
éléments. Dans vos cris au moment où vous ressentez des secousses dues
aux échos de vos paroles qui dépassent la portée de votre pensée, vous
faites fuir les oiseaux devant vous. Lors de vos respirations, vos
roses se fanent. Lors de vos moments de folie, vos cristaux tombent de
vos toitures.Au fur et à mesure que votre champ de pensée se rétrécit,
votre ville grandit. Vous vous fatiguez à force de courir dans les
rues et les avenues.Au fur et à mesure que les lumières de vos
machines de tension tombent sur vos nuits, vos êtres humains se
robotisent.Vos crapauds de vos eaux sales font peur même aux
crocodiles.Votre voyage intérieur vous fait vieillir.Vos cris internes
s’amplifient.Vous produisez des difficultés à quarante pattes.Les
cellules auxiliaires de vos laboratoires ne vous donnent pas
l’occasion de vivre des moments agréables.Pendant que l’indicateur de
la peur en vous vous lâche de haut en bas, vous n’avez même pas la
possibilité de parler. A chaque mouvement d’horloge, les saisons
s’arrachent de votre cœur…
Votre solitude n’arrête pas de traverser votre esprit.
Üzeyir Lokman ÇAYCI
Traduit du turc par par Yakup YURT
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